Nostalgiques des vacances au bord de mer? This is for you!
Contrôle d’identité, police et racisme
« En matière de contrôle d’identité, les discriminations ethno-raciales s’ancrent dans l’après-guerre d’Algérie »
Historien de la police, Emmanuel Blanchard retrace la généalogie de cette pratique policière controversée et l’héritage dans lequel s’ancrent, selon lui, les contrôles au faciès.
Défendus par les policiers mais contestés au sein d’une partie de la population, les contrôles d’identité font régulièrement parler d’eux pour les pratiques abusives et discriminatoires auxquelles ils peuvent donner lieu – les contrôles au faciès –, et pour les violences policières dont ils sont parfois à l’origine.
Maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et coauteur de Histoire des polices en France : Des guerres de religion à nos jours (Belin, 2020), Emmanuel Blanchard revient sur l’historique de cette pratique policière controversée et sur l’héritage dans lequel s’ancrent, selon lui, ses dérives.
A quand remonte la pratique du contrôle d’identité ?
Emmanuel Blanchard : Le contrôle des personnes mobiles et considérées comme étrangères à un espace donné est au fondement du travail de police. Sous l’Ancien Régime, les vérifications d’identité portaient avant tout sur les déplacements de diverses catégories de « pauvres hères » (mendiants, pèlerins, vagabonds, journaliers…). C’est dans la deuxième moitié du XIXe siècle que l’extranéité et la « mauvaise mine », selon les mots de Victor Hugo, ont de plus en plus été associées à la nationalité.
La création de la première carte d’identité d’étrangers en 1917 marque un tournant dans l’emprise de l’Etat sur ces derniers. Les opérations massives de vérification d’identité, considérées comme des « rafles » par les défenseurs des libertés publiques, se concentrent de plus en plus sur les étrangers dits « indésirables » – une catégorie qu’on retrouve dans de nombreux textes des années 1930.
Ces descentes de police ou le « bouclage » de quartiers entiers, qui peuvent aussi concerner des prostituées, des vagabonds, des homosexuels, étaient généralement accompagnés de conduites au poste et de vérifications approfondies d’identité qui pouvaient durer plusieurs heures, voire une nuit ou une journée entière. L’absence de titre unifié d’identité et d’obligation de port de documents d’identification obligeait, en fait, à vérifier fichiers et registres dans l’enceinte même des commissariats, expérience que connaissaient aussi les manifestants interpellés, parfois de manière préventive, pour « troubles à l’ordre public ».
Les choses ont-elles changé à la Libération ?
A la Libération, la mémoire de pratiques policières ayant contribué à l’extermination de plus de 75 000 juifs de France aurait pu durablement discréditer les arrestations au faciès. Le souvenir en est, d’ailleurs, rappelé par des associations comme le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, qui s’oppose aux « rafles » et autres contrôles au faciès.
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Rapper’s Delight – The Sugarhill Gang (1979)
Les paroles pour pratiquer bien sûr!
[Hook 1: Wonder Mike]
I said a hip-hop,
the hippie the hippie
To the hip, hip hop you don’t stop Rock it
To the bang bang boogie Say up
jump the boogie to the rhythm of the boogie, the beat
La suite: https://genius.com/Sugarhill-gang-rappers-delight-lyrics
How America’s Coronavirus Response Looks Abroad
Pour ceux qui s’écrient au scandale car critique facile, pourquoi ne pas s’en tenir aux faits? La réaction des personnes interviewées humanise une situation qui en a peu.
27 juin 2020
Source: The New York Times
Désinformation, âge et éducation
La désinformation ne touche pas seulement les jeunes et les personnes peu diplômées
Adrien Sénécat
Les plus grands consommateurs de sites d’information peu fiables en France ont plutôt autour de 30 à 50 ans, selon des données issues des enquêtes Médiamétrie.
Publié le 04 août 2020 à 11h53 Temps de Lecture 3 min.
Source: Le Monde
Des jeunes qui n’ont pas appris à s’informer en ligne ? Des retraités qui peinent à naviguer sur les réseaux sociaux ? Des personnes peu diplômées et qui lisent peu la presse traditionnelle ? Les lecteurs des sites qui diffusent de fausses informations ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Les Décodeurs ont tenté de dresser un portrait-robot des consommateurs de sites d’information peu fiables. Pour cela, nous sommes partis de la liste des sources jugées les moins fiables dans le Décodex, notre outil d’aide à la vérification d’informations, que nous avons croisées avec les données de mesure d’audience, réalisées par l’institut Médiamétrie. L’enquête a été réalisée pour le mois d’avril 2020, en plein confinement lié à la pandémie de Covid-19. Une période marquée par un fort intérêt pour l’actualité et un vrai besoin d’informations, mais aussi par la circulation de théories douteuses sur la pandémie et ses conséquences.
Premier enseignement : les données de Médiamétrie relativisent la portée des sites de désinformation. Aucun de ces derniers ne rivalise, en termes de nombre total de lecteurs, avec les 20 sites d’actualité les plus lus en France. L’écart est, cependant, moins élevé sur les réseaux sociaux, comme le montrait une étude britannique publiée en 2018. Mais au-delà du nombre, cet exercice donne quelques tendances sur l’identité de celles et ceux qui lisent les sites les moins fiables, parfois à contre-courant des idées reçues.
Les sources peu fiables touchent un public de « 7 à 77 ans »
Le débat sur la désinformation focalise souvent sur les jeunes lecteurs, qui en seraient les premières victimes. « Il faut former les citoyens, et notamment les plus jeunes, pour les aider à reconnaître les fausses informations, à les appréhender, à s’en protéger », insistait, par exemple, Françoise Nyssen, à l’époque ministre de la culture, lors du débat sur la loi relative à la lutte contre les fausses informations à l’été 2018.
Pourtant, les jeunes ne semblent pas être des cibles privilégiées pour les sites les moins fiables. Les 15-24 ans, par exemple, représentaient en avril environ 13,7 % de l’ensemble des internautes, 13 % des lecteurs des sites traditionnels et 16,1 % du lectorat des sites classés « rouge » dans le Décodex.
Si une tranche d’âge se distingue par son appétence pour les sources douteuses, ce serait en fait plutôt celle des 25 à 49 ans. Elle lit volontiers les sites traditionnels, mais est surreprésentée parmi les visiteurs de sites classés « rouge » et « orange » dans le Décodex. Les 35-49 ans, par exemple, représentent 22,1 % des internautes et 25 % des lecteurs de sites classiques, mais 32,7 % des lecteurs de sites peu fiables.

A l’inverse, les personnes âgées sont surreprésentées dans le lectorat des principaux médias d’actualité, mais moins nombreuses à consulter des sites moins conventionnels. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elles sont complètement insensibles à la désinformation en ligne. Les plus de 65 ans sont les plus susceptibles de partager des articles erronés sur Facebook, estimait ainsi une étude publiée dans la revue Science Advances en 2019.
Les catégories aisées ne sont pas épargnées
Autre point intéressant : les classes sociales les plus favorisées ne sont pas vaccinées contre la désinformation, loin s’en faut. Les cadres, dirigeants, professions libérales, enseignants… qui sont des profils identifiés par Médiamétrie comme relevant des catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP +), sont nombreux à lire les sites traditionnels, mais ils sont surtout plus nombreux que les autres catégories dans le lectorat des sources « rouge » et « orange ». Leur profil de consultation des sites d’information n’est, finalement, pas très différent de ce qu’on observe parmi les catégories sociales moins privilégiées (CSP –).

Ce graphique montre aussi que les retraités partagent avec les étudiants une faible attirance pour les sites douteux ou peu fiables, mais pour des raisons différentes : les étudiants parce qu’ils consultent assez peu les sites d’actualité en règle générale, et les plus âgés parce qu’ils privilégient nettement les médias traditionnels.
Si elles ne reflètent qu’une partie du phénomène, ces données accréditent l’idée selon laquelle vérifier l’information est l’affaire de tous, et pas seulement celle de catégories de population jugées plus naïves que les autres.
Contrat de conscience – Didier Awadi, L’Impertinent
Edouard Glissant: Pour l’opacité
Comment connaître l’autre?
Edouard Glissant:
- le texte en français: Glissant_Pour_Opacite
- le texte en anglais: Reading_Glissant_Opacity
Questions
- Discutez transparence et hierarchie
- “Pour ce qui est de mon identité, [..] j’accepte qu’elle me soit par endroits obscure […].’ Est-ce un sentiment connu? Avez-vous parfois le sentiment de ne pas vous comprendre ou connaître complètement? Donnez des exemples concrets.
- Quels sont les bienfaits de l’opacité pour les individus, puis pour les communautés?
- Qu’apprend-t-on sur Victor Segalen? Quelle serait une des raisons de sa mort inexpliquée?
- Créez une carte-concept (Concept Map) expliquant les relations entre les concepts de transparence et d’opacité.
José Antonio Bowen, Concept Map
‘A concept map allows us to visualize a series of ideas and try to see how they connect to and influence each other.’ Exemple:
Pour aller plus loin sur Edouard Glissant et son oeuvre:
- En lecture: glissant
- En vidéos: http://www.edouardglissant.fr/penseedelopacite.html
- Pour nous: French475_Syl_S20
Nouveaux mots français (2017-2019)
D’où viennent les nouveaux mots de la langue française ?
« Disrupter », « babache », « teriyaki »… les nouvelles entrées des dictionnaires témoignent d’une langue très influencée par l’anglais californien, et aussi d’une grande inventivité.
Trois cents millions de locuteurs à travers les cinq continents, cinquième idiome le plus parlé au monde, second le plus enseigné… la langue de Molière et d’Orelsan rayonne, s’est félicité le ministère de la culture en ouverture de la Semaine de la langue française et de la francophonie, qui se déroule du 18 au 24 mars.
Et pourtant, nombreux sont ceux qui s’affolent de son supposé affaiblissement. « Halte au globish ! », écrivaient une centaine d’écrivains, essayistes, artistes et journalistes dans une tribunepubliée par Le Monde le 26 janvier, face à la redoutable « shakespearisation » qui menacerait notre langue.
Certes, les anglicismes fleurissent dans le langage courant. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils font leur entrée dans les dictionnaires, qui agissent avec prudence, comme l’explique Carine Girac-Marinier, directrice éditoriale du Petit Larousse :
« Nous voulons être le témoin des évolutions de la société, mais pas intégrer un mot qui serait une mode, poussé par une actualité brûlante, et qui pourrait ne plus être utilisé dans quelques mois. On attend parfois deux ou trois ans pour être certains qu’ils soient toujours là et bien rentrés dans toutes les catégories de la langue française. »
Ainsi, des termes depuis longtemps usités dans certains milieux spécialisés (vidéoludique, rétrofuturisme, postapocalyptique, djihadisme…) ou militants (racisé-ée, invisibiliser) n’ont été lexicalisés que ces trois dernières années. Vous les retrouverez dans cet article en gras et en italique.
Nous avons analysé les mots ajoutés aux deux principaux dictionnaires, le Larousse et le Robert, dans leurs trois dernières éditions, soit 2017, 2018 et 2019. Il en ressort un corpus d’un total de 410 unités de lexique.
Que nous apprend ce corpus ? Qu’entre le replay télévisuel, le storytelling politique, la communauté queer ou encore l’univers des fanfictions, l’anglais est bel et bien, et de loin, la langue étrangère qui contribue le plus à l’enrichissement de notre vocabulaire. Mais, somme toute, la principale source d’évolution du français est… le français lui-même. Tour d’horizon.
Plus de la moitié viennent des différents types de français
- 36 % : des évolutions internes du français commun
Cela peut ainsi paraître contre-intuitif, mais oui, la langue de Maître Gims est très forte pour se renouveler de l’intérieur. Néologismes (antépisode, grossophobie, écolabélisé, souplex, vapoteuse…), mots composés (seul-en-scène, pollueur-payeur), acronymes (REP, ZAD), ou encore antonomases (bisounours, fraises mara, parkour) : son inventivité formelle est indéniable.
Mais les nouveaux mots venus du français passent davantage inaperçus, ceux-là ressemblant souvent à des mots déjà existants. Difficile par exemple de se figurer que covoiturer ou déradicaliser sont des ajouts lexicaux récents. D’autres mots entrent seulement dans le dictionnaire alors qu’ils sont employés depuis longtemps dans certains milieux (vidéoludique, rétrofuturisme, djihadisme…) ou militants (racisé-ée, invisibiliser).
Par ailleurs, certains nouveaux termes ne le sont qu’en partie : c’est leur sens qui a changé. Ce phénomène, dit de « néosémie » en linguistique, a ainsi vu maraudeur définir un bénévole travaillant dans la rue, rageux une personne agressive sur Internet, et toxiqueun comportement destructeur. Ils sont compatibilisés par les dictionnaires comme de nouveaux mots : ils témoignent eux aussi de l’évolution de la langue.
- 5,8 % : des emprunts aux régions
Autre vivier : le « terroir ». Travers d’un pays à la longue tradition jacobine, il est de coutume de réduire le français et son évolution à ceux du français parisien. Or la langue palpite aussi dans les régions, à l’image des charmants babache, biloute, ou encore poutouner, qui ont enrichi le lexique national.
Les régions ont récemment apporté aux dictionnaires tout un vocabulaire affectueux, à l’image du schmutz, un bisou alsacien ; poutouner, faire des bises dans le Poitou ; ou la miaille du Lyonnais, un bécot particulièrement bruyant. « Ce sont souvent des mots de dialectes qui sont d’abord passés dans le français régional avant de se diffuser », retrace le linguiste et étymologue Alain Rey, interrogé par Le Monde.
Le vocabulaire français de la gastronomie est lui aussi très redevable des spécialités locales. Ainsi du boucané de La Réunion et des Antilles, le mannele d’Alsace, la noisettine du Médoc (un pain à la noisette), le socca niçois ou encore la gâche bretonne (qui, comme le mont Saint-Michel, est également revendiquée par la Normandie). Au pays de Rabelais, le gosier nourrit souvent la langue.
- 14,6 % : des apports des pays francophones
C’est une bonne semaine pour le rappeler : le français ne vient pas que de France. Belgique, Suisse, Maroc, Cameroun, Sénégal… Toute la francophonie participe à l’évolution du vocabulaire, même si certains termes peuvent sembler totalement inconnus, voire incongrus à l’oreille d’un métropolitain.
Et sans surprise, c’est le français du Québec qui est la principale source de renouvellement du lexique, avec de nombreux néologismes liés aux technologies (baladodiffusion, téléverser), à l’environnement (carbocentre, éconeutre), aux transports (l’emportiérage, tant redouté des cyclistes) ou encore des emprunts à la gastronomie (les appétissants pets-de-sœur, sortes de pains au raisin mais à l’érable).
On doit au français de Belgique le très chic zytologue (pour un expert en bières), le dégagisme politique (lui-même emprunté à la Tunisie), ainsi que le très utile goûter de dix-heures. Côté Suisse, signalons les biscômes, pains d’épices décorés, et la cramine, ce froid tellement violent qu’il brûle la peau.
En Afrique francophone, le Maghreb a apporté deux néologismes créatifs, les facanciers (pour les émigrés marocains revenant passer leurs vacances au pays) et youyouter (crier « youhou »), et amené aux dictionnaires deux mots d’étymologie arabe, la fatiha(fiançailles musulmanes) et la fouta (carré de tissu d’origine berbère porté par les femmes à la taille).
Le Larousse et le Robert sont un peu moins précis quant à l’origine des termes venus d’Afrique de l’Ouest et du Centre. « On a parfois du mal à savoir dans quel pays le mot est apparu pour la première fois, et on préfère alors préciser la région », admet Carine Girac-Marinier. Ils attribuent néanmoins au Cameroun et à la Côte d’Ivoire faroter(soudoyer) et yoyette (jeune fille à la mode).
Près de 4 mots sont 10 sont empruntés aux langues étrangères
Viennent enfin les emprunts aux autres langues. C’est un fait, le français est « cleptolexe », il aime chaparder du lexique dans les dictionnaires de ses voisins – plus de 160, en trois ans. Pour ce faire, il peut procéder de trois façons.
La première est l’emprunt classique, à l’identique (comme futsal, création du portugais du Brésil, ou hoverboard, de l’anglais). La deuxième est l’adaptation, ou la francisation, qui donne un air plus local (la graphie youtubeur, ou la formation du verbe troller, respectivement à la place de youtuber et to troll).
Enfin, la dernière est la plus subtile : c’est le calque, qui reconstruit à l’identique une idée venue d’ailleurs en la traduisant (comme post-vérité pour post-truth ou licorne pour unicorn, en économie). Certains termes d’apparence franchouillarde viennent ainsi d’ailleurs (comme superaliments, calque de l’anglais superfood, ou intersexe, francisation de l’allemand intersex). Pour mesurer l’influence des langues étrangères, il faut considérer les trois.
- 16,6 % de mots venus de l’anglais
La langue de Shakespeare est ultradominante. Ce n’est pas une nouveauté de cette dernière décennie. Ce qui l’est, c’est la répartition géographique des termes empruntés. « Ils sont à 80 % nord-américains et à 50 % californiens : tout le vocabulaire des jeunes, du hip-hop, de l’informatique, vient de là », relève Alain Rey.
Dans le détail, l’anglais est effectivement omniprésent dans l’informatique (blockchain, hackathon, open source, mais aussi les francisations cybersécurité, défaçage, webinaire ou les calques mégadonnées et rançongiciel). Il l’est aussi dans les communications sur Internet (chatbot, émoticône, GIF, like, retweeter, etc.), les questions de société (flexitarien, post–vérité, queer…), les loisirs (e-sport, gameurs, musical, spoiler, replay…) ou encore l’économie (disruption, fablab, startuper…).
Pour autant, la supposée invasion du français par l’anglais est exagérée, nuance Carine Girac-Marinier.
« On est sur une tendance stable. C’est vrai qu’un certain nombre d’anglicismes sont poussés par les nouvelles technologies, mais il y a une vivacité de la langue française qui les remplace peu à peu, et des anglicismes d’il y a trente ans ont disparu des dictionnaires. »
A l’image de computer, remplacé par ordinateur, ou les serials, par les séries.
Par ailleurs, en raison de leur longue histoire partagée, l’opposition entre l’anglais et le français est parfois artificielle. L’anglicisme couponing vient à l’origine du mot français coupon, alors que le verbe français geeker, formé sur l’anglais geek, n’a en réalité aucun équivalent outre-Manche, où le verbe to geek n’existe pas. « C’est ça qui est extraordinaire dans la créativité de la langue », s’enthousiasme Carine Girac-Marinier.
« Même si on fait un emprunt, derrière on va l’utiliser dans un contexte qui n’aura pas d’équivalent dans la langue source. il y a un va-et-vient entre les langues. »
- 22 % : des emprunts à 16 langues différentes
Loin derrière l’anglais, le japonais et l’italien sont les deux langues auxquelles le français des dictionnaires a le plus emprunté depuis 2017. Du premier, un goût certain pour les saveurs nippones (gomasio, gyoza, teppanyaki, teriyaki, yuzu), mais aussi les arts traditionnels (kamishibaï, kirigami), et une certaine culture visuelle (émoji, kawaï) – ou encore le tonfa des policiers. Du second, une avalanche gastronomique qui témoigne de l’incroyable italophilie des palais français : spritz en apéro, une farandole de burratta, ciabatta, focaccia en buffet, et un ristretto servi par un barista en digestif.
Les emprunts à l’arabe sont très peu nombreux au regard de sa pénétration dans le parler populaire, à l’image de l’interjection sheh ! (« bien fait ! »). « On s’est posé la question pour “sheh”, il n’est pas encore entré, cela ne veut pas dire qu’il ne rentrera pas », tempère Carine Girac-Marinier.
« Nous avons deux critères, quantitatif (son occurrence), et qualitatif, qu’il traverse toutes les catégories de la population et tous les âges. Il est plutôt utilisé par les jeunes, les ados, et pas encore chez les quarantenaires et au-delà. »
Les autres langues sources ne fournissent que très peu de mots au français. Ces derniers proviennent surtout de l’univers de la nourriture : ainsi du chia (issu de l’aztèque) et du fonio (wolof), ou des thés rooibos (afrikaans) ou oolong (mandarin). S’y ajoutent des fruits exotiques, comme le combava (malais), la main de Bouddha(calque du tibétain) ou encore l’acérola (espagnol péruvien).
5 % de composés savants et créations supraétatiques
Last but not least, les inclassables. On chercherait en vain à définir leur origine : ils ne viennent pas d’un pays en particulier, mais de la communauté scientifique ou d’organisations supraétatiques. Les termes écosystémique, eurométropole et myéloprolifératif ont ainsi été formés et introduits par l’Organisation des Nations unies (ONU), la Commission européenne ou encore l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Les composés savants conçus par la communauté scientifique donnent quelques-unes des créations les plus surprenantes. A l’image de nihonium, élément chimique formé à partir d’un mot japonais (nihon, signifiant Japon) et un suffixe… latin. Preuve, s’il en est, que le français fait feu de tout bois pour s’enrichir.
Césars 2019
Césars 2019 : « Jusqu’à la garde » et « Shéhérazade » triomphent
Le film de Xavier Legrand, qui traite des violences conjugales, et l’histoire d’amour à Marseille de Jean-Bernard Marlin sont au sommet du palmarès.
Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, qui traite du sujet des violences conjugales, est le grand vainqueur de la cérémonie des Césars 2019, qui s’est déroulée vendredi 22 février à Paris. Le long-métrage, qui faisait figure de favori avec dix nominations, est reparti avec quatre prix : meilleur film, meilleure actrice pour Léa Drucker, meilleur montage et meilleur scénario.
Le réalisateur a estimé, pendant la soirée, qu’il « serait temps de penser » aux victimes « à un autre jour que le 25 novembre », Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Léa Drucker, très émue, a aussi, appelé à réagir et elle a rendu hommage aux personnes qui sont dans la situation de Miriam – l’héroïne du film – ainsi qu’aux militantes féministes.
Alex Lutz a obtenu quant à lui la récompense du meilleur acteur pour son rôle dans Guy, qu’il a également réalisé et dans lequel il s’est vieilli de trente ans pour incarner une ancienne gloire de la chanson. « Je suis très impressionné (…) chaque volute et chaque cabossage de ce César me font penser à un parcours », a-t-il dit ému en recevant le prix.
Le cinéaste Jacques Audiard, 66 ans, a reçu le César de la meilleure réalisation pour Les Frères Sisters, un western franco-américain avec Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal et John C. Reilly. « Je suis ému (…)J’admire mes confrères et mes consœurs. Si je fais du cinéma, c’est parce que vous en faites », a-t-il déclaré.
« A tous les gens qui galèrent »
Shéhérazade, histoire d’amour à Marseille entre un caïd et une jeune prostituée, a reçu la statuette du meilleur premier film, tandis que ses deux interprètes principaux, Kenza Fortas et Dylan Robert, ont été récompensés par ceux des meilleurs espoirs féminin et masculin. « Je dédie ce film à tous les gens qui galèrent », a lancé le réalisateur, Jean-Bernard Marlin. Pour Shéhérazade, tourné avec des interprètes non professionnels, il a fait huit mois de castings sauvages dans des foyers de la cité phocéenne ou à la sortie des prisons.
Karin Viard a pour sa part reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation dans Les Chatouilles. « Je tenais beaucoup à ce rôle, j’avais vraiment envie de faire partie de cette histoire », a-t-elle expliqué en recevant sa statuette.
A propos de son interprétation d’une mère dure, doutant des abus sexuels subis par son enfant, elle a décrit un « rôle épouvantable de mère si toxique qui condamne sa fille une deuxième fois en ne l’écoutant pas, en ne voulant pas la croire ».
Cinéma « plus indépendant et plus libre »
La 44e cérémonie de récompenses du cinéma français s’est déroulée sous les yeux du comédien et réalisateur américain Robert Redford, qui a reçu un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
La présidente de la cérémonie, la Britannique Kristin Scott Thomas a, elle, rendu un hommage : « Vous m’avez permis, moi, étrangère, de devenir actrice (…). Vive le cinéma français. » « J’ai bien l’intention de continuer à vos côtés, oui, même avec ce Brexit », a-t-elle par ailleurs plaisanté.
« Tous ici nous aimons ce cinéma-là, un cinéma plus indépendant et plus libre que partout ailleurs, des films courageux, ambitieux, inattendus (…). vous pouvez être fiers de la diversité de vos productions. Il est vrai que je crains d’être retenue à la frontière avec ma panse de brebis farcie, mes stocks de jelly et mes disques d’Elton John, mais ce soir je suis là. »
Le palmarès complet
- Meilleur film Jusqu’à la garde
- Meilleur réalisation Jacques Audiard, pour Les frères Sisters
- Meilleure actrice Léa Drucker dans Jusqu’à la garde
- Meilleur acteur Alex Lutz, dans Guy
- Meilleure actrice dans un second rôle Karin Viard dans Les Chatouilles
- Meilleur acteur dans un second rôle Philippe Katerine dans Le Grand Bain
- Meilleur scénario original Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand
- Meilleur premier film Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin
- Meilleur espoir féminin Kenza Fortas pour Shéhérazade
- Meilleur espoir masculin Dylan Robert dans Shéhérazade
- Meilleur documentaire Ni juge, ni soumise, de Jean Libon et Yves Hinant
- Meilleur film étranger Une affaire de famille, d’Hirokazu Kore-eda
- Meilleure adaptation Andréa Bescond, Eric Métayer pour Les Chatouilles
- Meilleur film d’animation long-métrage Dilili à Paris, réalisé par Michel Ocelot et produit par Christophe Rossignon et Philip Boëffard
- Meilleur film d’animation court-métrage Vilaine fille, du réalisateur Ayce Kartal
- Meilleurs costumes Pierre-Jean Larroque pour Mademoiselle de Joncquières
- Meilleurs décors Michel Barthélémy pour Les Frères Sisters
- Meilleur montage Yorgos Lamprinos pour Jusqu’à la garde
- Meilleur musique originale Vincent Blanchard, Romain Greffe pour Guy
- Meilleur son Brigitte Taillandier, Valérie De Loof et Cyril Holtz pour Les Frères Sisters
- Meilleure photographie Benoît Debie pour Les Frères Sisters
Karambolage sur Arte ou une conversation franco-allemande
« Karambolage », l’émission qui se joue des clichés entre la France et l’Allemagne
Diffusé sur Arte depuis quinze ans, « Karambolage » décortique les particularités culturelles françaises et allemandes avec drôlerie. Le programme fêtait sa 500e le 10 février.
La récente polémique française autour du traité d’Aix-la-Chapelle a montré qu’en matière franco-allemande les poncifs ont la vie dure. La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, et le député Nicolas Dupont-Aignan ont soutenu dur comme fer que ce traité, signé le 22 janvier par le président Macron et la chancelière Merkel dans le dessein de renforcer les relations entre l’Allemagne et la France, envisageait entre autres… de vendre l’Alsace et la Lorraine à Berlin. Outre-Rhin, le très sérieux quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung a pris la chose avec humour. A la « une », il a publié une grande photo de casque à pointe jaune doré, en commentant : « Il n’y a apparemment plus rien qui soit assez absurde pour que personne n’y croie. »
Jouer la carte de l’humour contre les clichés les plus éculés, c’est aussi le mot d’ordre de l’émission d’Arte « Karambolage », qui fêtait, le 10 février, sa 500e. Depuis quinze ans, chaque dimanche soir à 20 heures, elle décortique les particularités culturelles françaises et allemandes qui en disent tant sur les représentations collectives. Ses onze minutes sont devenues cultes, en particulier depuis que les réseaux sociaux ont consacré les formats vidéo courts. « Karambolage » rassemble chaque dimanche un million de spectateurs des deux côtés du Rhin.
Du détail à l’universel
La productrice et réalisatrice Claire Doutriaux a eu l’idée de l’émission à son retour en France, après quinze ans passés en Allemagne. « Il me semblait que les Français avaient une vision de l’Allemagne qui ne correspondait pas à ce que j’avais vécu. Il y a aussi des clichés côté allemand. Et j’avais besoin de parler de ces questionnements culturels qui nous obsèdent quand on vit entre deuxpays », raconte-t-elle dans un restaurant de Berlin, attablée devant une roulade de cerf, un plat typique de la région, mais sans doute inspiré par les huguenots français immigrés en Prusse au XVIIe siècle. A Paris, son équipe de « Karambolage » rassemble d’authentiques Franco-Allemands, qui travaillent selon le mot d’ordre suivant : « Partir du détail pour ouvrir vers l’universel. »
Chaque sujet a pour point de départ un étonnement vécu qui débouche sur un questionnement entre les deux cultures. Il peut s’agir d’un mot, d’un souvenir, d’un rite ou d’un objet du quotidien. Ainsi la colonne Morris, emblématique de Paris, qui fut en réalité inventée à Berlin. Ou la révélation progressive du visage de François Mitterrand à la télévision – un procédé inédit – le soir de sa victoire en 1981. Ou encore la controverse française pain au chocolat/chocolatine. La forme est une des caractéristiques les plus fortes de l’émission : le propos est porté par un graphisme impertinent, sur lequel travaillent en permanence trente personnes des deux côtés du Rhin.
« On prend le parti du second degré, de l’autodérision, mais en donnant les clés de compréhension à tous. C’est cela qui crée une vraie communauté de regard entre Français et Allemands. » Claire Doutriaux, productrice et réalisatrice de « Karambolage »
Parfois, l’émission s’aventure jusque dans l’intimité des rapports franco-allemands. Dans une émission sur la Saint-Valentin, Claire Doutriaux livre ainsi quelques indiscrétions sur sa jeunesse dans l’Allemagne de l’Ouest des années 1970, alors en pleine libération sexuelle. Et s’interroge : comment parle-t-on de sexe dans les deux langues ? Pourquoi les Français ont-ils tant d’expressions pour dire « faire l’amour » ? Au fil des années, l’attente sur ce sujet est devenue forte. Au courrier des lecteurs de l’émission, de nombreux couples franco-allemands, politiques ou non, cherchent à comprendre pourquoi la fougue des
premiers temps a laissé place aux incompréhensions…
Car, entre Français et Allemands, comment rester léger et profond malgré le passé et les comparaisons incessantes entre deux modèles qui tendent indéfiniment à vouloir désigner un gagnant et un perdant ? Après quinze ans de « Karambolage », le retour d’expérience peut être médité : « On prend le parti du second degré, de l’autodérision, mais en donnant les clés de compréhension à tous. C’est cela qui crée une vraie communauté de regard entre Français et Allemands. »
En dépit de la récente polémique, Claire Doutriaux ne croit pas à un déclin des échanges. « En France, on s’intéresse beaucoup plus à l’Allemagne qu’aux débuts de “Karambolage”. Il y a l’effet Merkel, qui a changé l’image du pays, et Berlin, qui est devenue une référence culturelle. Pour une certaine génération de jeunes, les voyages et les week-ends dans les pays voisins sont banals. Et, parmi eux, l’Allemagne est devenue une destination évidente. »